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Yggdrasil.
03h45.
Les restes fumants d’une moto.
Une forme humaine étendue à côté.
Inerte.
Morte ?
…
Un quartier désert.
Il date de l’ère post-indus.
Les usines en ruine égayent les abords de la route.
Un lampadaire à uranium clignote faiblement à faible distance de là.
…
Un arbre.
Grand.
Une de ses branches attire le regard.
Elle est noire.
Longue.
Stridente.
Elle déchire le ciel dans toute sa longueur.
…
Un corbeau est posé dessus.
Il se moque du motard fourbu qui vient de se redresser, et qui tâte un à un ses membres, comme pour s’assurer qu’ils sont toujours là. Et qu’ils sont toujours intacts.
« Pauvre piéton ! Croaa Croaa ! Pauvre piéton ! »
Quelques courbatures, mais pas trop de casse.
J’ai eu du cul.
Ghandi s’adosse un instant contre l’arbre pour reprendre ses idées.
Comment s’est-il retrouvé dans ce merdier ?
Où est-il ?
Que fait-il là ?
Il branche son holomap pour essayer de localiser sa position.
Le temps qu’elle charge, il repasse en revue le cours de sa journée…
Ah ! Il s’est fait larguer.
Ça lui a mis les nerfs…
Il a attrapé sa moto, et filé à toute allure dans les rues, sans se préoccuper de sa destination.
Il voulait juste rouler.
Pour oublier.
La lueur bleuâtre de l’holomap le tire de ses réflexions.
Oh ! Merde ! Si loin ?
Je vais devoir marcher pendant des plombes, avant de rentrer.
Fait chier !
Il regarde alors autour de lui.
Que fait cet arbre au milieu de la route ?
Il est tellement gros…
Il n’a pas pu pousser si vite.
Le quartier n’est pas totalement abandonné…
Les citadins n’auraient pas laissé cette masse végétale dévorer la route.
Bordel de merde !
C’est pas possible !
Gandhi se lève précipitamment, grimace de douleur quand ses membres endoloris manifestent leur colère d’être malmenés de la sorte.
Il prend du recul, il faut voir l’arbre dans son ensemble.
Et le corbeau…
C’est pas vrai ! LE Corbeau ? L’Arbre ?
Il jette un regard à la ronde…
Où est la pierre noire ?
Où est-elle ?
Pas de pierre noire en vue…
Perplexité…
Doute…
La ressemblance est trop frappante.
Ça ne peut être une coïncidence.
« Yggdrasil !»
Le Vieil Arbre remue alors, comme dans un film de science fiction.
Il ouvre les yeux.
« Qu’y a-t-il ? Qui m’appelle ? Qui me réveille ? »
« Yggdrasil ! Je rêve ma parole ! C’est réel ?? La Pierre ? Où est la Pierre ? La pierre de l’Armant ? La Pierre Noire ? Yggdrasil ! Où est-elle ? »
« Là, mais tu ne peux la voir. Il te faut la Clé. »
« Quelle clé ? »
« La Clé. La Clé du Temple. La Clé du Val Sans Retour. A cette condition, la Pierre te sera révélée. »
« Crooa Croooa ! Pauvre piéton ! Pauvre piéton. »
« Ferme-là, stupide volatile décérébré ! »
« Crooa Crooa. Yggdrasil ! Sois plus poli ! Il y a du monde ! Crooa Crooa ! »
« Reviens avec la Clé, homme de Midgard. Et le secret de l’ENT te sera révélé. »
Un coup de tonnerre. Un déluge de pluie s’abat sur le pauvre Ghandi.
« Crooa Crooaaa ! Il pleut ! Crooa Crooa ! Pauvre piéton ! Pauvre piéton !! »
« Va, homme de Midgard. Va, et reviens avec la Clé. »
Le Pauvre piéton reprend donc sa route.
Il arrive au coin de la rue, les épaules basses, maudissant cette bécane pourrie qui l’a planté.
L’arbre et le corbeau disparaissent alors à la vue de Gandhi, qui se retrouve seul au milieu de nulle part, sans moyen de locomotion.
C’était quoi ce bordel ?
Une hallucination ?
J’ai du me cogner la tête quand je me suis planté en bécane, il n’y a pas d’autre explication.
Depuis quand on trouve un arbre qui parle ?
Et ces références à la littérature psychédélique Antique ?
L’Armant ?
Qui connaît l’Armant ?
Que fait Yggdrasil ici ?
Et le corbeau.
Tiens ? C’est drôle ! Je ne pense plus à la fille qui m’a largué…
J’ai d’autres préoccupations, à présent.
Une Quête à mener à bien.
Je dois retrouver la Clé.
Gandhi marche péniblement pour rentrer chez lui, la tête encombrée de pensées toutes plus étranges les unes que les autres.
L’ENT…
Le secret de l’ENT me sera révélé…
C’est quoi, cet ENT ?
Un Environnement Numérique de Travail ?
…
Quel rapport ?
Le temps du trajet, il lance une recherche sur son holo.
C’est quoi, putain, un ENT ? C’est quoi ce secret qui doit m’être révélé ?
Quelques minutes plus tard…
Une bécane fumante…
C’est tout ?
C’est quoi ce plan foireux ?
Les usines en ruine égayent les abords de la route.
Le cadavre de la moto de Gandhi traine encore sur le sol mouillé.
La pluie entraine une longue coulée d’huile dans son sillage.
Un lampadaire à uranium clignote faiblement à faible distance de là.
L’homme pianote nerveusement sur son holophone.
Il vérifie le message qui lui demandait de venir ici.
« Kaos, nous savons tous deux que les accusations qui pèsent contre toi sont infondées.
Je ne peux malheureusement plus te contacter directement, mais si tu veux plus d’informations, viens dans la zone 45HG789 de la map indus. Ton holomap devrait te guider si tu rentres ces informations. Sois ponctuel, la surprise que je te réserve ne durera pas longtemps. Adieu, mon ami. »
Un piège ?
C’était un piège ?
Il n’y a rien ici.
On m’attend sûrement pour me faire la peau.
Quelqu’un s’est servi du nom d’un mort pour me faire venir ici…
Pour m’attirer…
Ce sont sans doute Ceux-qui-en-ont-après-moi qui ont fait le coup.
Vite, je dois disparaître.
Vrombissement de moteur.
Nuage de fumée.
Et l’homme repart dans la nuit, aussi rapidement qu’il était venu.
…
Gandhi arrive enfin dans au lieu de rendez-vous.
La douleur est omniprésente.
Ses membres ont assez mal supporté la longue marche forcée qui leur a été imposée.
Il attend.
On va venir le chercher.
On va panser ses blessures.
Il suffit d’être patient.
Quelques minutes plus tard, une moto surgit à l’angle d’une rue, arrive en trombe, et s’arrête devant le pauvre Gandhi.
Le motard l’aide à monter en selle.
« Mon pauvre Gandhi, dans quel état je te retrouve ! Tu as eu raison de m’appeler. T’en fais pas, je vais bien m’occuper de toi. »
« Merci, je te revaudrai ça. »
« C’est un honneur que tu me fais, en m’appelant. Personnellement, je n’aurais pas confié ma vie ainsi à n’importe qui… »
« Tu n’es pas n’importe qui. Tu es la seule personne en qui j’ai confiance. Et tu sais bien que je te confie toujours ma vie sans retenue lors de nos missions. Tu es un ami… Un frère… »
« … Merci. Allez, on file, faut que je te remette rapidement sur pied. J’ai besoin de toi en vie ! »
…
Un éclair bleuté.
Recherche terminée…
Recherche terminée…
ENT : dans les contes anciens, nom donné aux arbres gardiens des forêts, qui pouvaient, selon la légende, se mouvoir, et communiquer avec leur entourage.
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